Ce mois-ci, nous écoutons l’Heure Exquise, celle du cinéaste marseillais René Allio, réalisé en 1981. Un moyen métrage de 60 minutes, tourné en 16mm, dans le labyrinthe de Marseille. La voix off de l’auteur est présente tout au long de cette Heure Exquise. Il nous accompagne pour conter sa ville, dont les traverses et les sinuosités trament ses propres narrations familiales.
Après guerre, René Allio quitte sa région d’origine pour s’engager dans une carrière théâtrale qui lui permet d’atteindre la notoriété en tant que décorateur, costumier, puis scénographe. Son retour à Marseille s’amorce dans les années soixante et connaît deux temps, étroitement liés à son cinéma. En 64, il choisi Marseille pour planter le décor de son premier film, La Vieille dame indigne, qui lui vaut un véritable succès populaire. 5 films et 13 ans plus tard, il signe son 7e long-métrage, Retour à Marseille. L’Heure Exquise en fut le versant documenté et autobiographique ; une réconciliation avec son histoire familiale, ancrée dans son territoire natal. En 1980, sur le tournage de L’Heure Exquise, René Allio disait ceci : « Dire que, comme Marseille qui, aussi vieille que Rome, n’a pas gardé de monuments comme si elle n’avait pas d’histoire, ce film ne parlera ni de grandes choses, ni de grands événements, ni de grands hommes. »
L’Heure Exquise est un hommage à un air célèbre de l’opérette autrichienne La Veuve Joyeuse de Franz Lehar. « Je me souviens comme j’allais en voiture jusqu’au Parc Borely pour y marcher, courir, d’avoir entendu sur France Musique un morceau de la Veuve Joyeuse : nommée L’Heure Exquise ; et dans tout ce contexte sentimental de retour à Marseille, et du remuement du passé, de l’émotion qui m’a étreint en entendant le morceau parce qu’il me faisait à la fois penser à mon père et ma mère jeunes, et aux sentiments que j’éprouvais adolescent quand je pensais à l’amour. »
Débarrassé de tout dogme esthétique, ce film propose une « exploration sentimentale », un parcours à travers le Marseille des grands-parents de René Allio, immigrés italiens installés entre Bon Secours et Saint-Gabriel, jouxtant la Belle de Mai. Dans ce film mémorial, on descend en ville et on remonte dans le passé de l’auteur. On saisit des habitudes et les histoires familiales qui bercèrent son enfance, gagnant le statut de mythes au fil des récits. Gestes, images, sons, lieux sont autant de souvenirs que René Allio réagence de film en film pour dresser le portrait d’une ville qui prolonge et compile ces héros qui ne laissent pas de traces.