Le Requin Barjot – 06/50 : Vendre des canettes vides pour payer les spaghetti.

Vie et oeuvre de Frank Zappa en 50 épisodes…

Refrain : « Appelez un légume ».

06/50 - Vendre des canettes vides pour payer les spaghetti.

  • Proposé et réalisé par Gilles Gouget de DivergenceFM à Montpellier.
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Le Requin Barjot – 06/50 : Vendre des canettes vides pour payer les spaghetti. – 55’17’’

Frank Zappa et les Mothers, en 1964, enfin managés par leur vrai manager de Hollywood, deviennent des habitués des vraies salles de concert de Los Angeles… Il y en a, a vrai dire, que trois qui signifient vraiment quelque chose, s’il s’agit d’espérer se faire remarquer par un producteur : le Action, le Trip, et le Wisky-a-go-go rendu célèbre par l’alors jeune Jim Morrison.

Et c’est justement là qu’ils vont jouer après quatre semaines passées au Action. Le Wisky a go-go, qui porte bien son nom, ne se donne pas même la peine d’afficher les concerts tant est bas le prix du wisky et abondante la clientèle… Mais finalement, une affiche des Mothers sera placardée à trois jours de la fin de leur passage au Wisky a go-go. Ensuite, c’est au Trip qu’ils vont se produire, et là, des spectateurs vont même plébisciter des morceaux tordus comme Help I’m a rock, ou carrément dance (pour l’époque), comme Memories of El Monte. Ce public, décidément en pleine mutation, ne danse pas, que les Mothers leur jouent des standards ou des trucs étrange, et cela pose un problème.

Le problème, c’est que le patron du Trip, Elmer Valentine, tient absolument à ce que les gens dansent dans son club, parce qu’il craint qu’un passant voyant une piste vide ne passe son chemin et n’entre pas dans son établissement. C’est du moins ce qu’il soutient, et pour contourner la difficulté, les Mothers vont jouer un soir les deux morceaux à la fois. Résultat : les gens adorent mais personne ne danse, et le patron du Trip n’est pas content. Ce soir-là, les Mothers vont finir par aller vendre des POP BOTTLES (des canettes vides) pour avoir de quoi payer les clopes et les spaghetti bolognese.

Et c’est bien vrai qu’il faut toujours agrémenter ses nouilles de quelques légumes.

(…)

Citation : « Je me souviens que l’avance en liquide la plus élevée dans tous les groupes à cette période était celle du Jefferson Airplane : l’atterrante, la stupéfiante somme de 25.000$ ; du jamais vu ».

La scène musicale à Los Angeles est très différente de celle de San Fransisco. Au milieu des sixties, la scène à San Fransisco est particulièrement chauvine, et ethnocentrique.

Dans la façon de penser friscoïde, réside la certitude que tout ce qui vient de LEUR ville est vraiment de L’Art majeur, et que tout ce qui peut venir d’ailleurs (et particulièrement de Los Angeles), c’est du caca de chien.

Une fiction ! abondamment relayée sur tout le continent par le célèbre magazine Rolling Stone. Et une des raisons qui pousse les musiciens à San Fransisco, c’est d’avoir vraiment l’impression de faire partie du vrai truc, l’autre étant le bonus de dope aux concerts du Grateful Dead

(…)

La scène de Los Angeles est bien plus bizarre. Les groupes de frisco ont beau être les plus peace et les plus love de la planète, ils finissent tous par aller faire un tour à Hollywood la maudite, pour trouver une maison de disque.

The Byrds sont alors le top du top à Los Angeles, puis ce sera un groupe du nom de Love, puis s’en sera encore un autre, et puis un autre…

(…)

C’est pendant que les Mothers jouent au Trip que Frank Zappa fait la connaissance de Pamela Zarubica, une étudiante de 18 ans qui traînait au Cantor’s. Frank Zappa va aussitôt la surnommer Suzy Creamcheese, et passer pas mal de temps dans son appartement au nord ouest de la ville, à Laurel Canyon, au 8404 Kirkwood Drive. Il ne va pas tarder à emménager avec elle. Le personnage de Suzy Creamcheese va être incarné par de nombreuse jeune femmes, parce que Frank Zappa va ainsi en surnommer de nombreuses. Avec tout ça, les tabloïdes britannique ou américains se feront à leur heure les parfaits pisteur de la réelle identité de Suzy, et les journaux londonien apprécièrent tout particulièrement celle de l’été 69, à la fois pour son nom, et aussi pour la longueur de ses minijupes.

Citation : « Un nouveau jour, une nouvelle saucisse ! ».

Durant cette période 1964-65 où les Mothers enchaînent les séries de concerts dans les trois principaux clubs de Los Angeles, se produisent tout un tas de rencontres, avec des personnages tous un peu bizarres, et qui vont alimenter l’esprit de Frank Zappa, toujours avide d’augmenter la galerie ou de son musée des horreurs imaginaire, ou de celui des martyrs de l’expression libre au royaume de l’oncle Sam. Lenny Bruce fera partie de ces derniers.

Lenny Bruce est un comédien, un humoriste à l’acide picrique, qui dans ses one-man-shows, passe à la moulinette et sans prendre de gants le système américain, sur les sujets des noirs, des juifs, de la religion, de la politique, de la justice, de l’art de la comédie, de la mentalité du sud des États-Unis, de la drogue, du sexe, enfin… de tout ce qui, à ses sens éveillés, ne fonctionne pas du tout sous la bannière étoilée. Il va aussi signer cinq films.

Lenny Bruce n’aura pas de mots ou d’images assez fortes pour ce qui l’énerve, tant et si bien qu’en mars 1964, un journaliste du New York Post écrira :

« Bruce s’élève contre toutes les limitations de la chair et de l’esprit, et un jour, ils vont le broyer pour ça ».

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Extrait d’interview : Février 1974.

> Beaucoup de critiques admettent que vous êtes un bon compositeur, mais quelques rabat-joie vous accusent de voler la musique de certains compositeurs classiques. Ils prétendent que vous êtes un bon arrangeur, mais pas un grand compositeur.. Voudriez vous mettre les pendules à l’heure à ce propos ? 

Zappa : Je n’ai rien à dire à ces gens-là. Ils sont sourds.

Lenny Bruce, à l’époque où Frank Zappa le voit manger des saucisses avec Phil Spector, vit alors avec un type appelé John Judnich. Celui-ci gagne sa vie en louant son matériel de sonorisation, consistant exclusivement en une paire de cabinets Altec A-7 amplifiés par un ampli de 200w. Le tout sans retours de scène, à cette époque où les vieux pontes de l’audio jurent encore qu’il est impossible de mettre un micro aussi près d’un haut-parleur. Les chanteurs, surtout, n’ont aucun moyen d’entendre ce qu’ils chantent, si ce n’est après que le son ait rebondi sur les quatre murs de la salle…

Judnich, lors d’une de ses visites au Mothers va leur présenter Jerry le dingue, Crazy Jerry. C’est un personnage de 35-40 balais, interné à de multiples reprises, et accro aux amphétamines. Ce personnage va lui aussi alimenter cette galerie des curiosités humaines dans laquelle il faudra voir l’une des sources de la fertilité de l’imaginaire zappaïen.

Quand Crazy Jerry était jeune, sa mère (qui travaillait au service des probations), lui avait montré un exemplaire de l’anatomie de Gray. Au cours de la lecture très studieuse qu’il en fit, Jerry se rendit compte que certaine planche mentionnait : tel ou tel muscle, si présent. Cette révélation qu’il existait des muscles pas forcément présents chez tout le monde fut pour Jerry la voie vers la panacée, et il ne pensa plus qu’à ces muscles mystérieux. Avec le temps, il mit au point toute une série d’exercices visant à développer ces tissus musculaires particuliers, et après des années d’exercice, sans pour autant ressembler à un body-builder, Crazy Jerry devint tout de même assez fort pour parvenir à tordre des barres de fer de béton armé, autour de son cou, avec ses deux bras. Entre autres résultat de ces expériences, il était couvert de tout un tas de grosseurs bizarres, et ce n’est qu’un début.

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