Frédéric Neyrat est philosophe. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont dernièrement :
Atopies. Manifeste pour la philosophie aux éditions Nous
Homo Labyrinthes. Humanisme, antihumanisme, posthumanisme aux éditions Dehors
La part inconstructible de la Terre, Critique du géo-constructivisme aux éditions du Seuil, dans la collection dirigé par Christophe Bonneuil.
Il était invité aux rencontre d’Opéra Mundi Le Climat en question à Marseille où il s’est inquiété de la disparition de la notion de nature ouvrant la voie à des hommes sans mondes. Entretien avec Frédéric Neyrat Philosophe, auteur d’une écologie de la séparation dans son ouvrage La part inconstructible de la Terre aux éditions du seuil.
Avec la part inconstructible de la terre, Frédéric Neyrat propose une nouvelle écologie politique capable de s’éloigner du champ gravitationnel du capitalisme, en prenant à contre pied les piliers de l’écologie politique contemporaine.
Deux axiomes fondent ses travaux. Relier ce qui est clivé ( c’est-à-dire abusivement séparé) et Séparer ce qui est soudé ( c’est-à-dire excessivement connecté ). Le grand partage entre Humain et non-humain aurait en définitive consisté à tenir pour rien tout ce qui n’était pas humain, à se défaire d’une altérité trop énigmatique, à nier la nature. La modernité n’aurait donc pas été ce récit d’un partage, d’une séparation, mais plutôt d’une négation, d’une mise à mort reconduite de la nature. La nature n’aurait été que construction et nous n’aurions jamais fait autre chose que nous hybrider. La nature tenu pour rien, reste alors les technologies pour nous refaire la Terre conforme à une humanité elle-même refaite. Penser la relation telle que l’écologie politique nous invite à le faire serait alors réinjecter de l’écart, re-proposer de la séparation, condition indispensable à un vrai partage du monde.
Avec la figure de Gaïa, caractérisé par son instabilité, contrairement à la vision d’une Terre inerte et stable, c’est le concept de résilience qui trouve pleinement sa place. Concept que le capitalisme contemporain a déjà fait sien ( management, adaptation, concurrence, lois des marchés ) et qu’une certaine science ( neurosciences, géo-ingénieurie … ) semble toute disposé à digérer. Au chocs des catastrophes le capitalisme y trouvera l’occasion de se régénérer et l’humanité, de plus en plus cyborg, hybridée (celle qui en aura les moyens), s’engagera dans une course de fond pour sa survie, laissant la notion de progrès, de bonheur en second rang. Si l’instabilité des écosystèmes n’est pas à nier, il y aurait lieu de prendre du recul, de s’interdire certaine constructions, d’interroger le monde que nous construisons, pour ne pas à avoir comme seule avenir, celui de prendre soins de nos monstres.