Court voyage dans la vallée de l’Huveaune
Toutes les photos ont été prises dans l’impasse qui mène aux jardins Coder, août 2009
L’Huveaune  est bordée de riverains qui s’unissent autour d’elle pour faire revivre  les quartiers Est de Marseille. Rendez-vous ce dimanche 20 septembre  2009 à 14h, à l’ancienne usine Rivoire et Carret, pour fêter l’Huveaune  en musique et en ballades.
A la Valbarelle, derrière l’ancienne usine de Rivoire et Carret, dans la rumeur continue de l’autoroute, une haie d’arbres comptant quelques peupliers signale la présence de l’Huveaune. Faites quelques mètres, passez sous l’autoroute, engagez vous dans la première rue à droite – une courte impasse coudée qui mène aux jardins ouvriers Coder.
Drôle de bout de ville, minuscule coin d’étrange paradis pris entre un campement de gitans, des villas années 1960, et une friche industrielle cherchant sa vocation. Le pont de l’autoroute abat son ombre rectiligne sur la surface de la rivière, agitée de quelques bidons et de nombreux poissons. Quoi qu’on en dise, la vie est coriace, et n’a peur ni du bruit ni du sale. On s’assoit dans un creux d’herbe, entre cette eau grisette et une végétation luxuriante.
L’Huveaune n’est certes pas très promenable, elle n’est pas non plus d’une clarté virginale. Et pourtant, parmi les trois rivières qui traversent Marseille, elle est encore la plus accessible. Le ruisseau des Aygalades (de Saint-Antoine à Arenc) est en effet largement inatteignable, et le Jarret est tout simplement busé.
Spécialisée dans les enjeux liés à l’eau, la philosophe Irene Klaver, North Texas University, écrit à propos du Mississipi : « Il y a quelques traits communs à toutes les rivières urbaines : 1) Rien n’est plus aisé, si la volonté publique est là, que de « restaurer » une rivière, c’est-à-dire de la rendre à son état écologique sain – en moins d’un an, la plupart deviennent baignables. 2) Les rivières urbaines irriguent en général des quartiers défavorisés, car bordées d’usine, aujourd’hui souvent désaffectées. 3) La restauration des rivières, et la réhabilitation des berges, s’accompagne toujours d’une hausse immédiate et spectaculaire de l’immobilier dans la zone.»
«L’association  Rives et culture, a été fondé par une vingtaine d’habitants pour  contribuer au développement culturel des quartiers Est de Marseille, ce  qui passe notamment par la valorisation de l’Huveaune, patrimoine  naturel et culturel emblématique de ces quartiers»,  affirme Pierre Revel. «La rivière fait un lien entre nos quartiers, on  voulait attirer l’attention sur elle avec une oeuvre artistique qui  aurait valeur de signal.» C’est ainsi qu’ils ont sollicité le Bureau des  compétences et désirs pour passer commande d’une oeuvre à un couple  d’artistes argentins et  anglais en candidatant au programme Nouveaux commanditaires de la  Fondation de France. Ce projet devrait déboucher dès début 2010 sur une  première étude et proposition artistique avant d’envisager ensuite la  réalisation proprement dite de l’œuvre à priori sur au moins 3 lieux le  long du parcours de l’Huveaune entre sa source à Nans les Pins et son  embouchure à Marseille vers les plages du Prado.
Initiatrice du «Collectif  médiathèque» en 2003 (qui proposait une requalification culturelle de la  Friche industrielle de Rivoire et Carret), Sylvie Nespoulous,  aujourd’hui élue verte du 11e-12e, regrette qu’il soit si difficile de  longer l’Huveaune. Mais elle a l’expérience du lobbying, et elle est un  peu désabusée devant l’écart entre ce qu’on pourrait faire, et ce qui  voit le jour. «Soyons modestes. Avant de parler restauration de  l’Huveaune, on pourrait déjà faire une piste cyclable tout le long de  son parcours, depuis le site de Rivoire et Carret jusqu’à l’embouchure  au David. De façon général, le budget des pistes cyclables est très  faible par rapport à l’ensemble des dépenses de voirie elles sont réalisées sur les emprises existantes.  Ce qu’il faudrait pour équiper tout Marseille, c’est 10 millions  d’euros – ça représente moins de 3% des dépenses générales de voirie.»
Pour elle, l’enjeu est celui d’un changement de paradigme – de schéma mental. « La voirie est un véritable patrimoine qu’il faut réhabiliter pour rendre la ville accessible à tous les usagers. D’ailleurs, le code de la route évolue. Il devient code de la rue pour partager l’espace avec les publics les plus vulnérables : piétons, cyclistes. Ce qui m’intéresse, c’est de penser autrement ce qu’on entend par voirie. La voirie, ça ne devrait pas être d’abord conçu comme du bitume, des routes : c’est un espace public, qui a vocation à accueillir tous les déplacements, tous les flux ».
A Marseille, on n’a encore aucun projet de restauration de rivière. Ca ne nous empêchera certes pas d’accueillir le Forum mondial de l’eau en 2012, mais essayons tout de même de comprendre pourquoi la question ne parvient pas jusqu’au débat politique, alors même que des habitants se mobilisent, agissent, et font du bruit.
Outre l’inertie normale qui rend toujours lents les changements de paradigme, qu’est-ce qui se heurte à ça? Entre autres, le fait que les berges soient souvent privatives – il faudrait préempter les parcelles des jardins. Et puis la volonté des CIQ d’augmenter le nombre de places de parking dans les rues. En somme, le règne de l’individu, et le règne de la voiture, qui se rejoint en plusieurs points.
L’espace urbain contemporain est un espace d’abord automobile – c’est particulièrement le cas à Marseille, qui est étendue et mal desservie par les transports publics. Sur la carte, on ne voit même plus, d’un côté et de l’autre de l’autoroute, la raison qui a fait qu’on s’est installé là. Sinueuse et délicate, la petite Huveaune vit d’une vie ensommeillée en attendant qu’on la ravive.
Si vous souhaitez soutenir la rivière et ses porte-paroles, rendez-vous le dimanche 20 septembre sur le site de Rivoire et Carret pour une grande journée consacrée à la mobilité, à la rencontre du tissu socio-culturel des quartiers Est: Rives et cultures, de l’AMIEU, Planète Sciences Méditerrane organisateur chaque automne d’une fête de l’Huveaune … et un concert de Jo Corbeau, qui sort tout juste son dernier album consacré… à l’Huveaune !
Baptiste Lanaspèze
                

