Écrit par l’auteur marseillais Bruno Leydet, Malocchio retrace le parcours d’un architecte immigré toscan, Beniamino Cappeletti, dans le Marseille des années 1920. Déracinement, reconstruction, identité marseillaise, superstition, Malocchio est la chronique d’une ville, de sa culture et de son destin méditerranéen.
S’inspirant du roman, le compositeur Jacques Carrier a créé un spectacle musical en dix-huit tableaux, dont les premières représentations eurent lieu les 16 et 17 avril au Hang’art ; un spectacle produit par Amarelindo.
Paru en 2002, Malocchio met son héros (héros malgré lui) face à de nombreuses péripéties, vacillant ainsi entre chronique sociale, polar noir mais également superstition méditerranéenne. Superstition car Beniamino Cappeletti finira par assimiler ses déboires à la malchance, ou au « malocchio », qui signifie « mauvais œil ». Entre science, philosophie, folklore et superstition, la notion de mauvais œil est bien plus qu’une croyance populaire. Présente dans les textes depuis l’Antiquité jusqu’à la jettatura napolitaine, elle fait pleinement partie de la culture méditeranéenne. Mauvais œil, fatalisme ou répétition d’une histoire, ce qui s’abat sur les épaules de Beniamino Cappeletti, c’est le sort destiné à chaque vague d’immigration et chaque minorité : mépris, injustices sociales ou humaines.
A écouter : Bruno Leydet et Jacques Carrier évoquent la modernité de Malocchio. Modernité dans le roman, dans les spectacles et dans la thématique.
Une histoire contemporaine [2’19 »]
Présente dans Malocchio, la question de l’immigration est ancrée dans l’histoire de Marseille. Russes, Arméniens, Italiens, Grecs, Espagnols, Maghrébins, Pieds-noirs, Turques, Kurdes ou Africains, la situation géographique de la ville lui impose, de fait, un statut de « porte » accueillant les vagues d’immigration au gré des contextes géopolitiques. Dans Malocchio, le Marseille des années 20 évolue sur fond de montée du fascisme italien, d’exposition coloniale, et de développement économique de la ville avec le besoin d’une main d’œuvre abondante, peu chère et dite « docile ». A l’image de Beniamino Cappeletti, architecte devenu étranger, il s’agira alors d’une course au bien être et à la dignité, quête commune à toutes populations migrantes.
Aujourd’hui, le destin méditerranéen de Marseille se construit dans le même sens : Marseille et Union de la Méditerranée, ou Marseille Capitale Culturelle. Hier port des colonies, demain centre culturel, Marseille demeure une porte sur la méditerranée tout en s’inscrivant dans la complexité de notre époque.
A écouter : Marseille et son destin méditerranéen, par l’écrivain Bruno Leydet.
Culture méditerranéenne, croyances populaires et déracinement sont les thèmes du livre Malocchio, comme du spectacle de Jacques Carrier. Puisant dans différentes inspirations musicales (chanson populaire, rock, tarentelle ou racati), la volonté du compositeur et interprète était d’abord d’en faire une fable moderne, de conserver l’univers musical des années 1920 tout en créant une forte résonance avec le monde contemporain. Musique, projection d’images mais également chorégraphies signées Odile Jacquemin composent ce spectacle. D’autres projets autour de Malocchio sont en chantier, tels que la réalisation d’un album ou d’un CD-livre…
A écouter : Quand un compositeur puise dans son histoire personnelle pour adapter un roman en spectacle musical.
Sylvain Gonzalez.
Quelques liens Internet :
Pour Amarelindo et Jacques Carrier: http://www.amarelindo.com/
Pour Bruno Leydet: http://www.polarnoir.fr/auteur.php?auteur=l11