6h d’antenne sur Radio Grenouille 88.8fm pour un aperçu du contexte dans lequel agit Le Théâtre du Merlan scène nationale de Marseille.
Comment les projets culturels et artistiques contribuent à faire quartier, à faire que les rencontres entre habitants se densifient, a faire bifurcation face aux poids des déterminations. La chose n’est pas simple. C’est que le théâtre est pris entre trois forces qui le dépassent. Le centre commercial qui certes attire, mais dans lequel le poème est superflue. La rénovation urbaine continue, presque jamais interrompue, qui fait du quartier un chantier permanent depuis la fin des années 60 et qui use. Et la grande pauvreté économique avec ses conséquences qui désespèrent et découragent. Il y a bien des luttes, mais le théâtre, même un théâtre de lutte, à pour proposition l’art et la culture. Ce sont ses moyens d’actions. L’art et la culture au cœur d’un centre commercial, d’une population fortement touchée par le chômage et d’un quartier réveillé chaque matin au bruit de la pelleteuse. Non pas un théâtre défavorisé, non pas un théâtre en banlieue, mais un théâtre au plus près de la vérité quant à la place de l’art et de ses moyens aujourd’hui dans ce monde.
On commencera devant le théâtre sur la route à voitures. Description d’un lieu. On entrera dans cet étrange hall par lequel on accède aux équipements publics du centre urbain le merlan. Commissariat, bibliothèque, cinéma, services divers de la ville, du département et théâtre. On étudiera les plans de la construction, on découvrira qu’au niveau architectural, le centre commercial s’assoie sur les équipements publics. Mais cette réalité toute objective, ne dis rien de ce qui s’oppose à elle. La détermination d’un Théâtre par exemple et de son équipe.
De ce hall qui nous mènera à bien des endroits, s’y expose des fragments de mémoires. Sédiments de sa propre histoire, histoire du théâtre, mémoire des habitants, c’est tout un pan de Marseille qui s’y dépose. Des souvenirs d’enfance de la Renaude aux photographie de Yhoanne Lamoulère.
Deux étages au-dessus, petite pause au Café des délices, dans une des rues les plus fréquentée de Marseille. La galerie du centre commercial. Là on y rencontre tout le Grand Nord. François Cervantes y a sans doute écrit quelques fragments de son épopée. Au dessus, encore, Marseille et ses toits. Le centre urbain à aussi son toit. Eddy Salem, boxeur, danseur et attaché aux relations publics du théâtre, enfant du quartier nous y attendra. De haut on voit mieux le chemin parcouru. Mais il n’y a pas que les toits qui autorisent les hauteurs à Marseille. Marseille a ses collines. Justement on aura trouvé une petite colline faite d’un reste de garrigue et de petites maisons individuelles. La colline de monsieur et madame Busserine. Mais pas sûr cette fois-ci de bien comprendre avec une telle hauteur comment ça tisse, comment ça fait quartier, comment ça vie. Il nous faudra plonger.
Quelque part, dans un lieu tenu secret s’entrepose une étrange mémoire. Des dizaines de boites, des centaines peut-être. Chacune ouvre un chemin. Un chemin qui nous fera aller d’une école à un centre social, d’un centre social à un lycée et d’un lycée au théâtre. Chaque boîte est un parcours.
Juste en dessous du théâtre, on trouvera un site archéologique de la capitale culturelle de 2013. Un petit espace en friche au milieu des travaux, qui raconte à lui tout seul l’échec de la culture quand elle croit pouvoir s’affranchir du bruit des pelleteuses, de la grande pauvreté et des luttes qui s’y attachent. On pensera à un autre site archéologique, pas très loin, dans la cité des Cèdres. Une ruine datant de la fin des années 80. A partir de ces deux lieurs pourrait s’écrire une autre histoire de la politique culturelle.
C’est à trois pas de la culture tenue en échec, que nous terminerons cette ballade, au Snack de Latifa. Un Snack qui a traversé les époques, eu ses heures de gloire, résisté aux bulldozers, et qui mène aujourd’hui une nouvelle bataille pour sa survie. C’est qu’à nouveau on détruit, à nouveau on redessine. C’est surtout qu’on a jamais cessé de dessiner ce quartier. Et cette fois-ci le Snack doit bouger. Faire valise, ranger les souvenir, faire la synthèse du temps vécu. C’est sur la scène du Théâtre du Merlan que l’histoire de ce snack s’est raconté. Sur la scène qu’il a été reconstituer. On aura été au snack et à la fois sur la scène du Théâtre du Merlan. On aura été au Théâtre et à la fois au Snack. Voyage immobile.
Montage et réalisation : Marie Flacon & Emmanuel Moreira.
Récoltes, prises de sons : Chiara Forlani, Quentin Tenaud & Emmanuel Moreira
Avec la complicité de Nicolas Mémain
Une co-prodcution Euphonia, Théâtre du Merlan, scène nationale de Marseille.
Images : Alice Purgu