Un entretien réalisé le 11 décembre 2015, en direct de la Coalition Climat au 104, pour Good Cop Bad Cop 21.
À quelle époque sommes nous ? Au XVIe siècle selon le philosophe Bruno Latour. C’est la séquence historique ou se joue une nouvelle représentation du monde avec Galilé. La Terre est un globe fini. Comment habiter cette nouvelle terre? C’est la question politique du XVI°s. Jean-Batiste Fressoz, historien des sciences, nous rappelle que le XVIe siècle est aussi une séquence où la question du climat fait débat.
Avec l’hypothèse Gaïa, – un monde pluriel : intercroissement d’une multitude d’êtres, une multiplicité de cosmos – c’est une nouvelle représentation de la terre qui se joue, à nouveau le climat et à nouveau la question d’habiter. Comment habiter Gaïa ? Mais, ce qui nous arrive, c’est aussi la compréhension du futur comme fuite de nos conditions d’existence. C’est cette fuite – portée selon Latour par le concept d’émancipation – qu’il nous faut abandonner pour faire face à l’avenir comme ce qui vient vers nous. Et ce qui vient vers nous c’est Gaïa.
Toujours selon Latour, la situation nous oblige à repenser la politique d’une toute autre façon. Et ce, d’autant plus que se pose pour nous le droit à des bords, à des limites, un droit oublié par la mondialisation moderniste. Latour milite dans cet entretien pour une re-territorialisation de la question sociale. C’est aussi ce mouvement, le nouveau régime climatique.
Dans la controverse artificielle entre la communauté scientifique du GIEC et les climato-sceptiques, c’est l’institution scientifique comme mode de production de la vérité qui s’en trouve restaurée. On découvre avec cette controverse que la vérité est produite. La science est située.
Comment le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) construit la vérité ? Pour Valérie Masson-Delmotte la vérité se construit pas des controverses, à ne pas confondre avec des polémiques.
Quelle articulation entre science et politique ? Bruno Latour nous propose d’entendre la politique comme constitution d’une volonté de la part des scientifiques et des activistes de construire une cause, un objet commun.
Pour Bruno Latour, avec la Conférence de parties (COP), nous avons enfin, une vision claire des dissensus entre chaque pays.
Bruno Latour, philosophe, sociologue et anthropologue. Il est l’auteur de nombreux ouvrage dont Politique de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie. Il vient de publier Face à Gaïa aux éditions La Découverte. Huit conférences sur le nouveau régime climatique.
Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences, des techniques et de l’environnement, maître de conférence à l’Imperial College de Londres. Auteur de L’Apocalypse Joyeuse, une histoire du risque technologique, aux éditions du Seuil en 2012.
Valérie Masson-Delmote, climatologue, coprésidente du groupe 1 du GIEC, chargée d’établir les faits scientifiques sur les causes et les évolutions du changement climatique. Ses recherches portent sur l’évolution du climat à travers la reconstruction des changements climatiques, en utilisant les glaces polaires et les cernes des arbres.
Entretien : Emmanuel Moreira
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