Décoloniser le féminisme : les féministes islamiques

FeminismeL’attaque de Charlie Hebdo, et les crimes antisémites des 7 et 9 janvier ont relancé un débat sur l’Islam et, de nouveau des actes islamophobes ont été recensés. Les musulmans sont aujourd’hui doublement sous pressions. D’un côté l’extrême droite et avec elle une part de plus en plus non négligeable de la population qui considère les musulmans comme « non-compatible avec les valeurs de la France« . C’est avec cet argument que Zemmour en est venu à proposer l’expulsion des musulmans d’Europe. Nous savons qu’une telle vision ne cesse d’alimenter une crise identitaire en France, qui a conduit, il y a peu, à la création d’un ministère de l’identité nationale. Nous savons aussi que la laïcité est aujourd’hui, bien souvent, utilisé comme arme contre une « islamisation de la France« . D’un autre côté les musulmans vivent le rapt de leur religion, par toutes une multitudes de sectes et de logiques obscurantistes. Rapt rendant l’exégèse des textes, la pratique interprétative, c’est-à-dire toute la théologie, chaque jours de plus en plus complexe.

Dans ce contexte, les femmes musulmanes, sont les premières victimes, car il nourrit le stéréotype « Islam = oppression des femmes ». Soit elles sont perçues comme soumises – c’est malheureusement ainsi qu’un grand nombre de personnes désormais les considèrent – et les différentes lois répressives sont censées les émancipées ; soit qu’elles sont effectivement sommées de se soumettre par les fondamentalistes sectaires. Les femmes musulmanes seraient alors contraintes, pour acquérir leur liberté, de s’émanciper de leur religion, considérée comme incompatible ou dangereuse. A la marge de ces deux grandes visions dominantes, qui ne cessent de s’alimenter mutuellement, se développe un féminisme à l’intérieur même de la religion musulmane. Peu en France, essentiellement en Egypte, en Iran, en Syrie, en Malaisie ou encore aux Etats-Unis. La France, qui ces dernières années a accumulé un certain retard dans les études culturelles, faute de traduction et en raison d’un cadre disciplinaires devenu trop étroit, a découvert en septembre 2012, à l’occasion de la publication aux édition La fabrique, l’existence de différents courants féministes islamiques. Le pire des dangers qui menace l’islam serait l’impossibilité de pratiquer une exégèse des textes, l’interdit d’une interprétation autre que la plus littérale, l’impossibilité de constituer un corpus théologique en dialogue avec la philosophie et la science contemporaine. Ces féministes musulmanes mènent un combat pour que les textes restent ouverts à la lecture interprétative et ce dans une perspective féministe. Voilà de quoi déjouer ceux qui considèrent l’islam comme incompatible avec les « valeurs de la France – valeurs parmi lesquelles l’égalité femmes/hommes est devenue centrale » et ceux qui tentent de refermer l’islam dans un obscurantisme sans fond. Ces féministes nous offrent même la possibilité de renouveler la pensée de l’émancipation.

Invitées :

hananaHanane Karimi, sociologue spécialisée en éthique. Diplômée du Centre Européen de Recherche et d’Enseignement en Ethique (CEREE), ses thèmes de recherche s’articulent autour de l’éthique appliquée dans les domaines de l’Islam et du genre. Elle est membre de nombreux collectifs de luttes féministes.

 

 

 

IMG-1414861756895-V~2– Malika Hamidi, sociologue, elle a terminé une thèse sur les féministes musulmanes européennes en contexte postcolonial à l’Ehess Paris. Elle est aussi membre du steering committee du projet européen  « forgotten Muslim women in Europe » et militante, directrice générale du think tank European Muslim Network

 

 

 

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– Houria Bouteldja, porte parole du Parti des Indigènes de la République

Le PIR constitue un espace d’organisation autonome de tous ceux qui veulent s’engager dans le combat contre les inégalités raciales qui cantonnent les Noirs, les Arabes et les musulmans à un statut analogue à celui des indigènes dans les anciennes colonies : marginalisation politique, stigmatisation de nos cultures et religions (notamment dans les médias), brutalités policières au faciès, discriminations à l’emploi, au logement, à l’école, répression de l’immigration et des habitants des quartiers, etc.

 

 

arton33– Kian Azadeh, Professeur de sociologie à l’Université Paris VII, et directrice du Centre d’enseignement de documentation et de recherches pour les études féministes (CEDREF).

 

 

 

Ressources et documents :