Le Livre de Frog – juin 2014 : L’Escroc à la confiance. Sa mascarade, proposé par Brice Matthieussent

Le Livre de Frog, juin 2014. Entretien avec Brice Matthieussent autour de L’Escroc à la confiance. Sa mascarade d’Hermann Melville (1857), un roman méconnu qui se révèle d’une redoutable modernité, par l’auteur de Moby Dick.

Le livre de Frog – Juin 2014

 

Le livre et l’invité du mois:

B. Matthieussent

Grand traducteur de langue anglaise (Jim Harrison, Charles Bukowski, Jack Kerouac, Bret Easton Ellis, Henry David Thoreau…), auteur de Vengeance du traducteur (P.O.L, 2009) et de Good Vibrations (P.O.L, 2014) et professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Marseille, Brice Matthieussent nous a proposé d’explorer pour cette nouvelle émission L’Escroc à la confiance. Sa mascarade d’Hermann Melville (Traduit par Philippe Jaworski,La Pléiade, IV, 2010).

 

melville

Le récit s’ouvre de manière assez classique: un premier avril, un étranger monte à bord du vapeur Le Fidèle qui s’apprête à descendre le Mississippi alors qu’un escroc rôde à bord. Mais le roman surprend rapidement par son absence d’intrigue traditionnelle, sa construction constamment dialoguée, et ses personnages à l’épaisseur trouble. D’une remarquable modernité littéraire, L’Escroc à la confiance peut aussi bénéficier, par les thèmes qu’il interroge, d’une lecture très contemporaine.

 

L’extrait du mois :

L’expression d’escroc à la confiance a été inventée par la presse quelques années avant que Melville commence la rédaction de son livre. Le 8 juillet 1849, le Herald publiait:  » Arrestation de l’escroc à la confiance ». Un dénommé William Thompson qui arnaquait les passants venait d’être arrêté. Le 11 juillet, le même journal publiait:  » L’Escroc à la confiance à plus grande échelle ». Le journaliste attaquait Wall Street en expliquant que le monde de la finance opérait selon les mêmes méthodes que l’escroc à la confiance.

 

le loup de wall street

Un nouvel escroc à la confiance ?

Une réalité qui semble toujours d’actualité, à en croire l’exemple de Jordan Belfort dans Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese (2013), film inspiré du récit autobiographique de ce courtier en bourse multimillionnaire finalement arrêté par le FBI et condamné à plusieurs mois de prison à la fin des années 90. Dans la scène que nous avons proposé d’écouter, et qui n’est pas sans rappeler la rhétorique parfaite de L’Escroc à la confiance de Melville, nous pouvons entendre Jordan Belfort donner une leçon magistrale de vente téléphonique de titres boursiers à ses comparses totalement inexpérimentés en la matière. L’unique objectif pour parvenir au but fixé est clair : il faut obtenir la confiance de son futur client…

 

La chronique et les conseils du mois, après notre passage à la librairie Le Lièvre de Mars:

Jeremiah Johnson, le mangeur de foie, de Raymond Thorp et Robert Bunker (traduit par Frédéric Cotton aux éditions Anarcharsis) : une histoire vraie propre à devenir une légende, celle de Jeremiah Johnson, lassé du monde urbain, qui se fait trappeur dans les Rocheuses et se met en quête de venger sa femme, assassinée par les Indiens.

La Beffa di Buccari. 11 février 1918. Un pied de nez aux Autrichiens, de Gabriele D’Annunzio (traduit par Michel Orcel aux éditions de La  Bibliothèque) : poète et propagandiste, dandy et soldat, D’Annunzio, qui a tout fait pour que l’Italie entre en guerre en 1915, appelle au sursaut moral après l’offensive austro-allemande de novembre 1917. Il décide alors de mener un raid inouï dans les eaux territoriales autrichiennes dans le but de torpiller l’ennemi et de laisser derrière lui trois bouteilles contenant d’insultants cartels. La Beffa di Buccari est le récit idéalisé de cette attaque dont D’Annunzio se garda bien d’avouer l’échec. Le Haut Commandement italien fut obligé de contresigner la vérité falsifiée que D’Annunzio publia dans la Corriere della serra.

Aria del Mese, de Charles-Albert Cingria (Fata Morgana) : un salut à une très belle maison d’édition, Fata Morgana, qui a publié récemment Aria del Mese de Charles-Albert Cingria. Cingria, qui fut un des plus grands prosateurs du XXe siècle, écrivait  régulièrement, dans les années 30, son Air du mois à la N.R.F. (Nouvelle Revue Française).