Retour à Forbach

Cinq ans après Être là, six ans après le documentaire à succès Nous, Princesses de Clèves, le réalisateur marseillais Régis Sauder prend cette fois la parole pour raconter son Retour à Forbach, sa ville natale de Moselle, aux portes de l’Allemagne. Sauder revient dans le pavillon de son enfance à Forbach. Il y a 30 ans, il a fui cette ville pour se construire loin de la honte de son milieu d’origine.

Après la faillite du bassin houiller, la ville est vidée, ruinée. Au cours du  XXème siècle, c’est la mine qui a donné son identité et sa culture à la ville ; c’est la mine qui servait de ciment entre les différentes vagues d’immigration italiennes, polonaises, portugaises, arabes, depuis qu’elle n’est plus, le chômage s’est installé et les communautés se sont repliées sur elles-mêmes. Les citoyens se réfugient dans le vote d’extrême droite, majoritaire dans la commune. Un paradoxe, à la vue d’une population historiquement d’origine cosmopolite.

 

 

Cette Moselle post-industrielle concentre nombre d’enjeux de la société française actuelle : le déclassement social, le vote contestataire égrené comme une litanie à chaque élection, la fracture identitaire et la résurgence des communautés religieuses ou nationales. Conjointement à ce questionnement socio-politique, Régis Sauder mène une réflexion touchante sur la mémoire individuelle. On a donc ce vas-et-viens constant entre intime et politique. En filigrane, il pose la question du devenir des nouvelles générations de forbachois. Il pose cette question sans juger, à l’écoute de ce qui se dit. Régis Sauder filme inlassablement la ville : les discours sont toujours illustrés par des plans de rues, de façades, d’arbres, de maisons à vendre.

 

Annie Ernaux écrivait ceci après avoir vu le documentaire :

« J’ai l’impression d’être réellement allée à Forbach, et sûrement pas comme Hollande en coup de vent, d’avoir été immergée dans l’histoire morte de cette cité, les houillères, et le présent des gens, leur immense délaissement, leur désarroi, leurs souvenirs aussi. Il y a un souci constant de montrer les rues, les commerces, les immeubles, les pavillons, et puis les gens, qui portent les uns le passé, les autres le présent et l’avenir. C’est ça, non pas seulement vivre dans une ville, ici Forbach, mais « être » d’une ville comme Forbach, avoir le souvenir d’une cité rasée, de l’école, des amitiés, c’est s’être construit avec ça, et envisager d’y rester. »

 

Lors de ce grand entretien, nous avons proposé à Régis Sauder de s’exprimer à partir de 10 extraits du films, qu’il a pu commenter et enrichir :

 

Par Mario Bompart.