Depuis ces deux dernières semaines, le pouvoirs d’influence des médias a fait l’objet de plusieurs critiques dans notre réseau de médias partenaires.
On commence par Mada Masr, avec un article titré « Leçons de moralités des médias Egyptiens ». Le pure player par de l’exemple de la récente arrestation d’une femme par la police à l’aéroport du Caire pour des raisons floues. Dans cette affaire, plutôt que de s’intéresser au caractère mystérieux de l’arrestation, les médias sont allé chercher des photos de la personne arrêtée sur son profil Facebook. Des photos où on peut la voir entrain de faire la fête où en tenue suggestive, pour ensuite les diffuser, et qualifier ses attitudes de choquantes.
Mada Masr dresse ensuite une liste d’exemples de jugements de valeurs et de comportements prescripteurs apparus dans les médias égyptiens ces derniers mois, souvent justifiés au nom de la religion. Comme ce journal papier qui s’indigne du fait que les présentatrices TV s’habillent comme des top modèles. Ou cette actrice égyptienne qui s’est faite reprendre sur le plateau d’un talk show après avoir expliqué avoir un copain sans être mariée. Une autre personne s’est carrément faite sortir d’un plateau TV pendant une émission pour avoir exposé ses pensées athées. Avec ces deux phrases, Mada Masr prévient:
« Les présentateurs TV et les personnalités médiatiques proéminentes s’élèvent au rang d’agents de moralités. Ils utilisent leurs plateformes publiques pour prêcher à l’audience ce qui est bon et mauvais, ils reprennent immédiatement leurs invités lorsqu’ils n’approuvent pas leurs choix moraux».
L’actrice égyptienne Mona Hala reçoit une leçon de morale sur un plateau de la chaîne Ten Channel
En Tunisie, le discours homophobe est très présent, encore plus depuis la révolution. Avec une plus grande liberté de parole a émergée une homophobie ambiante et généralisée, ce qui s’est traduit par une augmentation du nombre de meurtres sur les personnes homosexuelles. Mais depuis le forum social de Tunis de mars dernier, la communauté homosexuelle mène sa bataille au grand jour à travers des manifestations et des actions d’infomation.
« Si pendant des années la communauté LGBT en Tunisie a surtout travaillé en interne à se consolider, à identifier les besoins et à mener des actions pour sécuriser ces membres, elle passe aujourd’hui à une autre étape, s’afficher publiquement ».
Dans un article classé dans sa rubrique « témoignage », Inkyfada donne la parole à plusieurs associations militantes pour la justice et l’égalité, comme le collectif CHOUF. Pour introduire les questions féministes et lesbiennes dans l’espace public, ses membres ont « décidé de se retrouver entre elles et de réfléchir à leurs compétences autour des médias et de la création audiovisuelle». De leur travail ont émergé par exemple des flyers en dialecte tunisien, afin d’être accessibles et entendues par le plus grand nombre.
Inkyfada contextualise et salut ces initiatives : « Dans un pays où l’homosexualité est taboue et où la sodomie est passible de 3 ans de prison, manifester publiquement est un acte de bravoure».
L’opinion publique et l’information sont toujours les fruits d’une interprétation, basée sur des faits parfois discutables. Dimanche 18 mai, dans l’émission Entretien, Radio M accueillait Thierry Pairault, spécialiste de la Chine moderne et contemporaine. Sur les ondes de la radio algérienne, il venait combattre « les clichés véhiculés par les articles de presse sur la présence démesurée de la Chine en Afrique ».
Pour se justifier, l’invité de Radio M a utilisé des chiffres qu’ils jugent « jamais utilisées », ceux de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement. Selon ces chiffres, qui se recoupent avec les statistiques chinoises, l’investissement chinois en Afrique est de l’ordre de 0.2% de l’investissement direct étranger au niveau mondial. Certes, les relations économiques entre la Chine et des pays africains comme l’Algérie se sont accentuées, notamment à cause du pétrole. Mais pour lui,
« l’Afrique envahit par les entreprises chinoises est un fantasme ».
Et les médias africains ne font que véhiculer le point de vue des pays occidentaux qui s’inquiètent de l’invasion de leur « pré carré ».
L’Etat des Emirats Arabes Unis s’inquiète lui des tensions entre les pays du Golf et l’Iran, et de la menace grandissante de Daesh. Pour Mashallah News c’est en tout cas ce qui explique le service militaire mis en place depuis septembre dernier, obligatoire pour les homes de 18 à 30 ans et optionnel pour les femmes. Mashallah News donne la parole à deux jeunes citoyens des Emirats Arabes Unis pour connaitre leurs avis sur le sujet. Ziad et Abdul ne voient pas d’opportunités à travers cette expérience, ils la considèrent plus comme une perte de temps.
Pour Mashallah, depuis les années 1990 les jeunes de la population émirienne sont plutôt privilégié par l’Etat. Ce dernier peut les aider financièrement en matière de santé, de logement, pour les études, notamment à l’étranger, mais aussi pour les frais de mariage. Et les jeunes émiriens ne s’attendaient pas à devoir payer ces privilèges par un retour de dettes vis-à-vis de l’Etat.
Teaser de la série Hayati Walaskariya, produite par l’Armée et Abu Dhabi Media
Là où le rôle des médias intervient, c’est que pour imaginer ce qui les attend, les jeunes émiriens doivent s’en remettre à une série vidéo produite conjointement entre l’armée et Abu Dhabi Media, le media officiel du gouvernement. Cette série, à la fois documentaire et promotionnelle, est actuellement le seul document d’information disponible sur le service militaire.
A travers ces productions, l’autorité et le pouvoir d’influence des médias est clairement mis en lumière. Et la distance géographique nous aide à prendre du recul. Mais tout cela peut aussi donner matière à penser sur la fonction déterminante des médias de l’autre coté de la Méditerranée, dans les sociétés de la rive Nord.