#jesuischarlie, #jesuiscopenhague, #jesuistunisien, #jesuisyemen… Nous sommes tant de choses et nous nous associons à tant de mouvements de soutien ces derniers temps. Les drames liés au terrorisme inondent les médias. Mais en réaction à ce flot de mauvaises nouvelles, des connexions apparaissent entre pays de la Méditerranée pour soutenir des valeurs partagées telles que la paix, la liberté et la lutte contre le terrorisme. Rien n’est plus facile à l’heure du web participatif que d’étendre sa connaissance et sa compassion à l’international. Focus sur ces outils du web au service des mouvements sociaux.

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Dans l’ère du web 2.0, connexions et échanges ne connaissent plus de limites spatiales. Les NTIC (nouveaux moyens d’information et de communication) permettent le partage d’idées, la création de communautés autour de valeurs partagées… en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Mais un acte aussi facile qu’un clic de souris est-il réellement engageant ? Du reste, il est clair que les réseaux sociaux sont a minima un redoutable rassembleur et une catharsis sociale.

Concrètement, il n’est pas rare que des mobilisations naissent d’un appel lancé sur les réseaux sociaux. Il y a donc un passage à l’acte de la part des internautes. Ce fut le cas le 19 mars dans l’après-midi. Des centaines de personnes ont répondu présentes à l’appel de rassemblements devant le théâtre municipal de Tunis, certains appelés par les syndicats et d’autres par le parti Ennahda, utilisant les réseaux sociaux pour répandre le message. En France, le soutien pour la Tunisie s’est traduit par des like, des tweet mais également par des manifestations. Patrick Mennucci, député des Bouches-du-Rhône, a appelé à un rassemblement à Marseille devant le Consulat général de Tunisie.

 

La capacité mobilisatrice des réseaux sociaux

Facebook et Twitter ont fait le buzz et sont aujourd’hui très employés, créant une information massive qui circule librement. « Il est peu de dire que les réseaux sociaux ont transformé les échanges entre individus et les rapports entre États et citoyens, conférant à ces derniers une puissance d’information et de mobilisation inédite. » explique le chercheur Julien Nocetti. Le journalisme citoyen n’a jamais été aussi présent qu’avec ces nouveaux outils participatifs. Chacun peut informer et être informé en temps réel. Contrairement aux journalistes classiques, ces outils du web permettent un discours direct de la population.

Les réseaux sociaux ne sont donc pas qu’un regroupement de clics fait sans intérêt, ils permettent de porter des messages forts de l’opinion publique et constituent un outil d’expression à portée politique. Alors, à l’époque où le recours au référendum, outil d’une vraie démocratie, se fait rare, les réseaux sociaux semblent être un bon moyen de faire jaillir les opinions citoyennes et un outil efficace d’expression populaire.

Un nouvel outil au service du champ politique

Le web participatif a fait une irruption spectaculaire dans le champ politique international.

La décennie 2000 a vu se développer de nombreuses plateformes d’échanges, réunissant des individus différents autour d’idées communes et qui sont devenus « de puissants accélérateurs de mobilisation » selon Julien Nocetti. Les équilibres de pouvoir sont bouleversés. « Visibilité, veille, dénonciation ou répression, les potentialités du Web comme arène de confrontation politique et outil d’action ne font plus de doute. » explique le chercheur.

Ainsi, l’exemple des printemps arabes illustrent la puissance de ces nouveaux outils populaires. Ils ont été un moyen d’expression, de mobilisation et de cristallisation des revendications. Bien que ces réseaux sociaux n’aient pas fait la révolution, car comme l’explique le chercheur biélorusse Evgeny Morozov « ce ne sont pas les tweets qui font tomber les gouvernements, mais bien la population », ils ont quand même eu l’avantage de dévoiler  largement les atrocités telles que les immolations, les arrestations, la corruption… ce qui n’a pas manqué de créer une indignation générale fomentant contestations et révoltes. L’information se répand et a une plus grande portée.

De fait, le web participatif est devenu un terreau fertile où les racines contestataires se sont développées et rassemblées. Comme l’analyse Freeland, «la télévision par satellite et les réseaux sociaux ont permis aux individus de voir que leur point de vue est partagé par suffisamment de personnes pour protester sans dangers».

En Egypte, au moment des manifestions du 25 janvier 2011, début de la Révolution égyptienne, la blogosphère est en ébullition. A l’heure d’une forte répression exercée par le gouvernement, les réseaux sociaux deviennent un moyen de publier des informations censurées par les médias traditionnels. Et le journalisme citoyen prend tout son sens. Face à la censure de la contestation politique, la contestation sociale s’impose. Facebook, grâce à la création de «groupes» et «d’événements» a donc permis l’action collective, facilitant le rassemblement et la coordination des actions.

Le revers des réseaux sociaux

L’influence libertaire des pays de la rive occidentale, a donc traversé la Méditerranée. Mais les régimes autoritaires arabes, ont su développer des techniques comme la limitation de l’accès à internet, les interventions en ligne, la surveillance, ou tout simplement l’interdiction des réseaux sociaux sous peine de sanctions. Tous les moyens sont bons pour appliquer la censure et garder le contrôle.

Cet outil libérateur, a ainsi des revers. Par exemple, Vodafone, le premier réseau téléphonique en Egypte, a collaboré avec le régime en fournissant des détails sur ses clients et en envoyant des SMS de propagande. L’Iran, quant à lui, utilise les pages Facebook et Twitter pour identifier les opposants.

Le web 2.0 est aussi un moyen de communication connu des terroristes et parfaitement maitrisé. La diffusion de vidéos, la constitution de groupes, l’échange de revendications et d’informations… tous les possibles qu’offrent les réseaux sociaux leur sont aussi accessibles. Le dernier exemple en date est peut-être la diffusion de messages et de vidéos qui ont permis à Boko Haram de communiquer sur leur allégeance à l’Etat islamique. De plus, un rapport du Think tank Brookings Institute (en anglais) affirme que Daesh contrôlerait environ 90 000 comptes sur Twitter dans le but d’étendre sa propagande.

 

Boko Haram-Abubacar Shekau

Boko Haram-Abubacar Shekau

 

Ces plateformes interactives permettent donc à ces acteurs de se regrouper en communauté et de s’organiser plus facilement. Le web 2.0 aurait-il permis au terrorisme d’atteindre une telle ampleur, pouvant ainsi étendre leurs actions réticulaires ?

Mathieu Guidère, spécialiste du monde arabe explique dans son ouvrage Etat du monde arabe que « cet immense marché idéologique » peut devenir dangereux pour les internautes. « Le web, en raison d’un défaut de régulation et de l’absence de vérification du contenu, laisse le champ libre au développement de toutes sortes de biais cognitifs dont les internautes ne sont pas conscients la plupart du temps.  Le « biais de confirmation » est l’un des plus répandus puisque l’internaute se contente de lire ce qui correspond uniquement à ce qu’il pensait tout seul dans son coin, sans véritablement chercher de contre-arguments […] C’est ainsi que l’internaute glisse immanquablement vers l’intolérance et la radicalisation. »

Alors, outil utile ou menace incontrôlable ? Docteur Jekyll ou Mister Hyde ? Dans tous les cas, depuis ces dernières années, les gouvernements tentent de trouver de nouvelles lois afin de maitriser ce nouveau Frankenstein technologique, car bien qu’étant un moyen passif de s’exprimer, il se dresse en puissant acteur populaire dans le champ politique, en moyen de contestation active.