A propos de 1993 de Julien Gosselin et Aurélien Bellanger

Mythe et Réalité
Est-ce la fin d’un monde, la fin de l’Histoire ou encore la fin des idéologies, ce sont les questions que je me pose assis au fond de mon siège après avoir lu un extrait de La fin de l’histoire de Francis Fukuyama qui m’a accueilli sur cette toile blanche. Le ton est donné. Et le spectacle sera pour moi comme une tentative de réponse entre un essai sur le monde et la société et un pamphlet contre lui.
La mise en scène se divise en 2 parties
La première partie est difficilement soutenable, on est plongé dans un mélange de lumières éblouissantes et clignotantes. Une fumée épaisse remplit la salle et un son très agressif font monter en moi angoisse et rythme cardiaque. Ce mélange accompagne et parfois noie des voix qui se superposent et montent constamment dans le ton et le volume. Ces voix loin de n’être qu’un habillage sont pleines de sens. Elles retracent l’avènement de deux nouveaux mythes qui auraient remplacé les idéologies et l’Histoire comme nouveau paradigme du monde. Le premier mythe est celui de l’universalisme, l’absence des frontières au sein de l’Europe et le second est celui du monopole du progrès aux mains du pouvoir de la technique. Ces Mythes me seront comme martelés par la violence de la mise en scène.
Cette première partie est très dure à supporter. Enfin, voix, lumières et fumés s’éteignent pour laisser place au silence ; je suis épuisé.
C’est alors qu’arrive la deuxième partie, la scène revient à sa place, je n’ai plus l’impression d’être physiquement sur scène, je retrouve un peu de confort. Une musique électro trans commence et on assiste à une soirée de jeunes ERASMUS, la mise en scène change complétement pour se saisir d’un entre théâtre et cinéma. Se déroule sur scène cette soirée, je l’observe et me sens comme omniscient je peux tout voir, et mes yeux se baladent à leur gré. Au-dessus, en même temps, sur une toile, une camera plongé dans cette soirée retransmet la soirée. Je suis impressionné car je crois assister à un film qui aurait demandé scénario, découpage technique, montage, … Mais c’est une prise en direct et un plan séquence et pourtant les lumières sont belles, les cadres esthétiques et les mouvements entrainant. Je suis absorbé par cette soirée dont je peux à ma guise observer omniscient le déroulement depuis mon balcon ou alors m’imprégner totalement en me laissant porter par ce film qui me plonge dans la soirée.
Cette soirée aux allures banales prend des teintes plus graves, les comportements, les mots tout prend une forme étrange on sent un projet commun qui tend vers le noir. L’on voit où l’on est emmené, c’est la dérive du Mythe, sa critique, … ERASMUS devient le symbole du Mythe Europe et du « no limit » et ce projet noir d’un groupuscule identitaire en devient la dérive identitaire, l’échec du mythe.
Je ressorts secoué physiquement par une première partie très et peut-être trop violente mais aussi captivé par une seconde partie entrainante et mystérieuse.

 

Matthieu Beauné