A propos de Compagnie. Compagnie Jérome Bel
Extrait de Gala, présenté au Festival de Marseille en 2016
J’ai eu la chance de trouver la place idéale, assis à l’ombre, près des danseurs, à une distance idéale des enceintes, je n’ai qu’à attendre l’arrivée des danseurs sur ce carré de béton simplement délimité par les câbles des enceintes. La musique démarre et une danseuse se présente, elle exécute des mouvements pleins de grâce, j’y ressens plein de douceurs et de beauté.
Mais d’un coup je tombe dans l’incompréhension, j’attends des danseurs organisés, une chorégraphie parfaitement maitrisée et ce que je vois me laisse circonspect. Une cohue inorganisée arrive derrière elle, on y trouve de tout : de 7 à 77ans, un fauteuil roulant, certains semblent experts et d’autres amateurs, … Ils commencent… Ce n’est ni coordonnée, ni ressemblant à ce que faisait la danseuse, chacun tente de la reproduire plus ou maladroitement, ça se bouscule, ça manque un mouvement ou ne le réalise pas à la perfection. Finalement je me demande si je ne me suis pas trompé d’endroit. Je me demande ce que partage ces gens ? Pourquoi sont-ils ensemble en ce moment ?
La première danseuse de tête s’arrête et rejoint le groupe, une suivante arrive et le registre change pour une couleur plus orientale, la cohue tente de reproduire la danse réalisée par la danseuse de tête, encore une fois. Mais cette fois, ça y est, je ressens et comprend ce que tous ont en commun, ils ne sont ni « experts » ni parfaitement « préparés » mais ils ont l’envie de danser. Chacun danse et j’y vois de la satisfaction et beaucoup de concentration. Je ne sais plus où regarder car je ne regarde plus une danse mais des danses, chacun s’approprie la danse de tête et la danse selon lui.
Ils seront nombreux à passer en tête et ils me font tout traverser, la joie, quand un enfant de 6 ou 7 ans mène cette heureuse compagnie et les faits courir, sauter, tourner, … L’émerveillement quand une majorette exécute des figures incroyables et le rire quand tous jettent leur bâton et tente de le rattraper tant bien que mal, …
Quand le spectacle s’arrête je sais que j’ai vu un spectacle de Danse. Un spectacle de danses plurielles tant par les registres que par la place essentielle que prend l’individu dans ce groupe. Aujourd’hui je me pose encore des questions : Est-ce que la chorégraphie parfaitement maîtrisée n’est pas castratrice ? Est-ce que le hasard des gestes, la reproduction d’une danse à peine découverte, ne laisse pas plus de place et de sens à la Danse ?
La seule chose que je sais c’est que je n’oublierai pas ce moment.
Matthieu Beaune