Stones in her mouth, Lemi Ponifasio, Théâtre la Criée, 9 juillet 2016

Le profond mystère qu’on ressent tout au long de la pièce nous reste collé à la peau, circule dans les pensées qui essaient de mettre un ordre, nous accompagne jusqu’à la sortie du théâtre quand la réalité apparaît beaucoup plus banale. Ce mystère est magistralement crée par deux éléments en particulier : la lumière (ou plutôt la vidéo), avec un jeux de gris/noirs intenses parfois en contraste avec le blanc du led lumineux et le rouge d’une poussière et la voix, celle des danseuses qui chantent de l’initiation au monde, de l’histoire de soi et des généalogies, des ancêtres, de la nature puissante. Une longue cérémonie à laquelle on a l’impression d’assister comme des intrus, qui ne maitrisent pas les codes de ces femmes dépositaires d’un savoir hérité d’autres femmes, poètes et compositeurs de la tradition maori. Mais ce dont elles nous parlent ce sont des textes écrits aujourd’hui, par les danseuses elles-mêmes, pour dire le présent. Comme le chant, d’autres éléments se situent dans ce temps suspendu entre passé et présent : la danse, élégante, minimale, aux gestes répétitifs et issus de différents contextes performatifs ; la musique, au-delà du chant, produite par un petit instrument percussif appelé Poi , extension du corps des danseuses, ainsi que celle enregistrée, un fond sonore électronique pulsant. Mais impossible de diviser les parties : tout est lié, chaque langage performatif participe de l’autre et raconte dynamiquement et poétiquement la présence des ces femmes puissantes dans le monde maori et dans le notre. Ce soir là, à la première représentation, on a la chance d’une surprise : une rencontre avec Ponifasio et les danseuses. Le public est impatient, les questions ne se font pas attendre demandant des « explications », des dévoilements de l’origine de tel mouvement, texte, son, objet, couleur, etc. Il y a eu des réponses, bien sur, mais surtout, il y a eu une invitation à la non-représentation, à ne pas mesurer, comme des anthropologues, les parties du monde, mais bien à aller au delà du défi de la compréhension, pour explorer en soi-même le lien « avec une conscience cosmique de l’histoire ».

Luigia Parlati