Ce mois-ci, Critiques reçoit Éric Fassin, professeur de Sciences Politiques à Paris 8, qui a récemment publié Gauche, l’avenir d’une désillusion (Textuel, 2014) et contribué à l’ouvrage Roms et riverains, une politique municipale de la race, avec Carine Fouteau, Serge Guichard et Aurélie Windels (La Fabrique, 2014).
Pour parler avec lui de la gauche, des Roms, de la gauche et des Roms.
En fait, nous allons nous pencher sur un gouffre. Celui qui sépare le discours du candidat François Hollande, au Bourget, dans lequel, citant Gramsci (dont il revendiquait l’optimisme de la volonté), il affirmait avoir pour adversaire la finance, des propos de Manuel Valls, alors encore ministre de l’intérieur, qui déclarait, à propos des Roms, en septembre 2013 : « J’aide les Français contre ces populations, ces populations contre les Français. Elles ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres, et qui sont évidemment en confrontation. Les Roms ont vocation à rester en Roumanie, à y retourner ».
Dix-huit mois, à peine, séparent ces deux citations. Entre les deux, une victoire à la présidentielle, et un renoncement fondateur : celui de combattre les ravages de la finance – qui implique de trouver de nouveaux adversaires, d’identifier d’autres dangers, d’autres risques contre lesquels nous protéger. Et depuis ? Depuis évidemment, l’écart s’est creusé – la première citation s’est définitivement effacée derrière le pacte de responsabilité, tandis que l’auteur de la seconde est devenu premier ministre.
C’est, sans aucun doute, dans l’écart entre ces deux citations, qui ne cesse de se creuser depuis, que se joue la capacité de la gauche à reprendre la main, et à oser agir à nouveau – et c’est là, dans cet espace, également, que se situent donc les discussions sur les alliances et les stratégies de la gauche de transformation, des gauches… critiques.