Depuis le débat autour de l’élargissement du mariage aux couples de même sexe, on n’a sans doute jamais autant parlé de genre. À la radio, à la télé, dans les journaux, mais aussi à la sortie des écoles, entre parents d’élèves. On n’en a jamais autant parlé, mais on n’en a sans doute jamais autant mal parlé. Les clichés s’enchaînent, les amalgames se succèdent les uns aux autres, les rumeurs se répandent un peu partout… Dans le même temps, les homos, les lesbiennes et les trans font face à une violence verbale, parfois même physique. Le genre est ainsi devenu une sorte de repoussoir, un tabou, surtout s’il est associé à l’idée de « théorie ». On perd alors complètement de vue ce dont il est vraiment question : de rapports de pouvoir et de domination.
Le tout dans un contexte de divisions profondes au sein du mouvement féministe – que ce soit à propos du voile, de la prostitution, de la procréation médicalement assistée élargie aux mères célibataires et aux lesbiennes, ou encore de la gestation pour autrui.

Elsa Dorlin est professeure de philosophie à l’université Paris 8. Elle est notamment auteure de La matrice de la race, généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française (La Découverte, 2006), de Sexe, genre et sexualités (PUF, 2008) et a coordonné l’ouvrage Sexe, race, classe : pour une épistémologie de la domination (PUF, 2009).