Ce matin, je sors de mon lit, j’écarte les rideaux… J’ouvre mes petits yeux encore endormis, je me place à la fenêtre…

 

 

En face, l’immeuble de 18 étages. Impersonnel. Pourtant tout en haut, je crois distinguer comme toujours, cette même femme qui peste contre le vent, toujours le même dans cette maudite ville, et cet identique ronron incessant qui remonte de la rue trop bruyante, trop bruyante même la nuit… La rue… Le trottoir encombré et qui fait lever au ciel les yeux de tous les habitants en répétant, une fois de plus, que ce n’est pas dieu possible de payer les taxes les plus élevées de France pour un résultat pareil. Soudain, le tram, enfin il arrive celui-là, on croyait bien qu’ils étaient encore en grève ces fenians ! A l’angle, un homme qui tangue, qui vire, hurlant à la mort qu’il a faim et qu’il fait froid. En face, une petite fille qui pleure de haine contre sa mère qui lui a surement refusé sa meringue aux pignons, sa préférée, son plaisir à elle… Un homme sous un chapeau, sous un arbre qui se baisse pour récupérer un centime, un garçon près de lui racle sa chaussure souillé par une bête dont le maitre fut peu précautionneux. Une passante le croise. Ces amis la sifflent. La jeune fille baisse les yeux et repense à cette jupe, cette jupe qu’elle pensait convenable pour une journée comme celle-là. Une journée de beau temps selon la météo mais avec eux impossible de savoir ce qu’il en sera réellement… A l’entrée de l’immeuble, le concierge qui ne comprend vraiment pas pourquoi ces nigauds de la copropriété ne lui ont toujours pas fourni de nouvelles clefs pour la porte d’entrée trop dur, trop veille, trop lourde… on devrait augmenter mon salaire. O la la ça y’est le jeu des klaxons commence ! C’est une place livraison ici monsieur ! J’en ai pour 5minutes ! Je travaille moi ! J’appelle la police !!!! La police qui s’occupe de la petite retraitée du 5ème et surtout du pain quotidien qu’elle offre aux pigeons qui envahissent la ville, sales, boiteux… 450 euros d’amende. Madame, maigre retraite ou pas, on ne nourrit pas ces oiseaux-là. C’est la loi. Le rideau me chatouille. Je le bloque en refermant la fenêtre. Il est temps, je crois, oui je crois que j’entre en scène, moi aussi, pour me mêler à ces âmes offensés.

Caroline Decque