[CONTRIBUTION] FABLE : LA FOLIE DE NOS SEMBLABLES N’AVAIT PLUS DE LIMITE… Rédaction 15 janvier 2018 Contributions Le Théâtre de La Criée et Radio Grenouille ont proposé aux internautes d’inventer une fable à partir de la phrase « L’oiseau qui avait enterré sa mère dans sa tête ». Nous en avons reçu sept que nous publions chaque jour. La folie de nos semblables n’avait plus limites. Tous les oiseaux amarante avaient été massacrés. Tous. Sauf ceux qui s’étaient envolés loin avant le basculement dans le drame, comme moi. Massacre au dessus des parcelles de bananiers, massacres au dessus des marais, massacres d’oiseaux par leurs semblables, d’autres oiseaux auxquels on avait appris à nier aux amarantes leur qualité d’oiseaux. Massacres sous le regard des vaches, massacres sous le regard des chèvres, massacres sous le regard des geckos, massacres sous le regard des Hommes, tous avaient levés des yeux écarquillés de terreur vers le ciel : « mais qu’arrive-t-il aux oiseaux ? » Ma mère s’appelait Ndenyoni, elle savait que la folie adviendrait, elle avait insisté pour que je parte, elle est là maintenant, quelque part, au milieu de cet amoncellement de cadavres indistincts. Un oiseau qui vit est un être qui passe son temps à s’extraire de la terre, à s’en éloigner par l’envol, un oiseau qui meurt est restitué à la terre… Mais pas comme ça… Je voulais t’offrir une sépulture, te rendre dignement à la terre… Ce charnier m’en empêche, c’est donc dans ma tête que je t’enterre Ndenyoni, pour ne pas t’oublier, pour ne pas oublier cette folie qui t’a enlevée à moi, qui a laissé ta fille orpheline, comme tant d’autres, pour que de ma tête tu redeviennes mots, pour te raconter à tous les oiseaux, pour que cette folie ne les regagne jamais… Mais qui est donc cette femme qui lève les yeux et me regarde en pleurant ? Anne L.