Le Théâtre de La Criée et Radio Grenouille ont proposé aux internautes d’inventer une fable à partir de la phrase « L’oiseau qui avait enterré sa mère dans sa tête ». Nous en avons reçu sept que nous publions chaque jour. 

 

Dieu a crée le monde un soir de folie, s’est endormi sur son brouillon, puis s’est éclipsé le lendemain sans se soucier de perfection. Afin de n’être pas poursuivi pour dilettantisme, il se garda bien de doter ses créatures de mémoire.

À l’abri de la nostalgie, hommes et animaux bâtissaient leur existence en chœur, chacun participant à l’harmonie de l’ensemble.

Ainsi, Mère oiseau construisait le toit des cases du village. Elle tricotait branchages et lianes, tressait poils et cheveux, malaxait sable et terre humide. Pour ce talent, Mère oiseau était vénérée de tous.

Un jour, son chant redevint souffle, et un long silence enveloppa la mangrove. Mère oiseau mourut la nuit suivante.

Encore une âme qui allait disparaître et dont on ne parlerait plus.

Enfant oiseau, son fils unique, partagea sa peine avec son peuple de plumes et ses cousins humains.

Inconsolable, déterminé à prolonger l’œuvre de sa mère, à aller bâtir ailleurs de nouvelles maisons, il refusa de partir sans le corps adoré.

C’est alors qu’il eut l’idée de l’enterrer dans sa tête. Ainsi, il l’emmènerait partout avec lui, continuerait à lui parler quand il en aurait envie, à siffloter ses airs quand il les entendrait résonner dans son esprit.

C’est ainsi qu’Enfant oiseau fut le premier être au monde à se doter de mémoire. Tant qu’il vécut, il transmit le souvenir de sa mère à ses congénères et fut à son tour enterré dans la tête de son fils.

Quant à Dieu, il est régulièrement interpelé pour s’expliquer…

Delphine Bole