Entretien avec Phillipe Geslin, anthropologue suisse, ayant travaillé chez les Soussous en Guinée Conakry.

 

L’anthropologie comme toute discipline évolue. Les années 1980 marquent une sorte de rupture et la fin d’une époque pour l’anthropologie, notamment avec Writing Culture de Clifford et Geertz qui remettent en question, certains fondements de la discipline. On oublie souvent de parler des anthropologues qui on été témoins de cette rupture, rupture que nous définirons plus comme une transition majeur de la discipline. Philippe Geslin fait partie de cette génération, ayant vécu et vivant encore ce passage de l’avant et après Writing Culture. Il fut notamment élève de M. Godelier, qui lui-même fut élève de Lévi-Strauss. De la théorie à la pratique, certains diront qu’il n’y a qu’un pas et c’est ce pas que franchit l’anthropologue sur le terrain, où il doit mettre en pratique ces théories apprises. Dans ce contexte et avec ce bagage théorique, le terrain ne se présente et ne s’aborderait plus de la même manière. Comment passe-t-on de l’approche théorique à cette mise en pratique ? Comment mener une enquête dans cette période post Writing culture ?

 

 

L’anthropologie est donc dans un moment singulier de son histoire. Pendant longtemps, se centrer sur soi pour mieux exister et se distinguer des autres disciplines des sciences humaines était prônée dans chaque science humaine et sociale. On remarque qu’aujourd’hui, de plus en plus d’anthropologues ont cette volonté d’ouverture vers les autres sciences humaines. Il y a une sorte de rejet de l’idée visant à les opposer entre elles, et que chacune grandisse dans son bocal (métaphore utilisée par Monsieur Lenclud). Ils préfèrent les penser et privilégier la complémentarité des unes et des autres. L’ouverture vers les autres disciplines vous semble-t-elle nécessaire pour l’avenir de l’anthropologie ?

 

 

 

Se faire connaitre au-delà du milieu scientifique et intellectuel pourrait se présenter comme étant aussi l’autre ouverture pour la discipline. Après une petite enquête personnelle menée, on se rend compte que peu de gens savent ce que signifie le mot anthropologie et qu’une majorité fait seulement le lien avec l’étude de l’Homme ou encore, l’Homme tout simplement. On est obligé de passer par « l’intermédiaire sociologie » pour l’expliquer. Votre projet théâtral mené, avec la collaboration de Macha Makeïeff, entre dans ce cadre d’accessibilité à l’autre, de cette quête de vouloir se faire connaitre notamment avec la mise en scène de vos travaux sur les Soussous. Êtes-vous un précurseur de cette forme d’ouverture ? Est-ce un bon moyen de se faire connaître à un autre public ?

 

 

La littérature anthropologique (j’entends ici par ce terme, les écrits « romanesques » d’anthropologues) entre un peu dans ce cadre d’ouverture et d’accessibilité à tous, de la discipline. Dans ce que vous dites, l’avenir de l’anthropologie comprendrait aussi l’idée de se faire connaître autrement que scolairement, en se rendant accessible hors cadre scolaire. On peut citer l’exemple en Angleterre de Roy Lewis, et l’ouvrage traduit en français Pourquoi j’ai mangé mon père ?, où l’on voit qu’il reprend de façon humoristique et romanesque les grandes théories évolutionnistes. Ce livre si l’on veut s’attarder à une brève critique est très agréable à la lecture, se lit très vite et de surcroit est très drôle. Il présente cette particularité d’allier le ludique à l’enseignement. En se basant sur cet exemple et surtout sur votre projet théâtral, on peut se demander si l’autre enjeu de l’ouverture de la discipline ne serait pas de se faire connaître à cet autre public, en présentant autrement la restitution des données ethnographique ?

 

 

par Yannick Moeson

Yannick Moeson est étudiant en licence d’Anthropologie sociale et culturelle à l’université d’Aix-Marseille.