CHEZ LES SOUSSOU DE GUINÉE – L’ETHNOGRAPHIE MISE EN SCÈNE Rédaction 11 janvier 2018 Chez les Soussous de Guinée L’ethnologue, n’est-il pas le témoin de toute une série de scènes ? Séquences de la vie quotidienne, rituels, travail, commerce. Par l’observation continue, n’est-il pas l’œil omniprésent, attentif au moindre détail, cherchant l’évènement ? Par ses notes, n’est-il pas le scribe d’un monde qu’il ne comprend pas encore ? Rien d’étonnant, sans doute, que dans cette volonté de voir et de comprendre, l’appareil photographique et la caméra ont été des instruments de choix pour l’ethnologue, pouvant re-visionner à l’infini et hors du regard de l’autre ces instants capturés. Si par ses observations répétées il finit par mettre en visibilité ce qui structure la communauté, ses liens, ses lois, ses croyances ; s’il finit par ordonner pour lui-même un désordre apparent ; il ne peut le faire qu’en se référent à ces scènes captées. Se faisant, il se fait conteur d’un peuple, témoin qui témoigne, porteur et passeur de mémoire. Et il n’est pas impossible d’imaginer qu’une famille, qu’un peuple, se retourne vers l’ethnologue pour convoquer en lui les souvenirs dont il est porteur. Pris dans les liens que forme cette société, l’observateur se voit observé. Comme pour voir ainsi ce qui de soi est vu, comme la possibilité de pouvoir se voir enfin, de voir ce qui de soi échapperait encore, échappe toujours dans l’œil. Se vérifiant, se saisir soi en train d’être découvert comme si l’autre nous découvrant, s’était la possibilité de se découvrir. A son tour, l’observé ouvre un cahier et de manière aussi méticuleuse notes ses observations. Mimétisme. De sorte que l’observateur dans ce jeu de miroir, accède à la mise en scène de sa propre observation, de sorte que l’observé emporté par son mouvement, devient l’ethnologue de son propre peuple. Jeu de passe-passe où l’on apprend que l’héritage d’un savoir, d’une technique commence par la copie. Ce geste fut celui de N’Fassory, paysan soussou. Ses cahiers, couvrant deux années d’observations, offerts à l’ethnologue Philippe Geslin, ont été publiés aux éditions Ginkgo sous le titre « L’oiseau qui avait enterré sa mère dans sa tête ».