De tous temps et de tous lieux, les âmes se sont senties offensées. Certaines de ces âmes se sont revendiquées comme offensées et sont allées jusqu’à utiliser cette offense comme une arme. Je veux vous parler aujourd’hui d’une forme très particulière des âmes offensées : les âmes offensables. Les âmes offensables ne sont pas offensées par des actions qui les touchent, mais par des paroles, par des œuvres d’art, par la science ou par des gens qui s’aiment. Et elles utilisent le pouvoir d’être offensé pour demander l’interdiction de l’objet de leur offense.

 

 

La coïncidence veut qu’on m’a demandé de réaliser cette chronique quelques heures seulement après la mort d’une des plus grandes âmes offensables de tous les temps : Fred Phelps. Fred Phelps est le leader de l’Église Baptiste de Westboro, ou Westboro Baptist Church. Cette église américaine a acquis une grande notoriété en 1998 à l’occasion du décès de Matthew Shepherd, jeune étudiant battu à mort et accroché à une clôture parce qu’il était homosexuel. Les membres de l’église sont venus à son enterrement avec des pancartes portant des messages comme “Pas de larmes pour les tafioles”, “Matthew pourrit en enfer” ou encore “Dieu hait les Pédés”. “Dieu hait les pédés” est d’ailleurs devenu le slogan principal de l’église, qui en a fait le nom de son site internet “godhatesfags.com”. L’église s’est également fait remarquer en accusant l’homosexualité d’être la cause de la fureur divine contre les États-Unis, et ses membres ont notamment organisé des manifestations pendant le retour de corps de soldats morts en Irak avec des pancartes indiquant “Merci Dieu pour les soldats morts” ou encore à l’enterrement des victimes de la tuerie de l’école primaire de Sandy Hook, où un jeune déséquilibré a tué 26 personnes dont 20 enfants.

Fred Phelps a une rhétorique à toute épreuve. L’offense que lui semble être l’existence d’homosexuels dans son pays lui permet de justifier le fait d’offenser les morts, mais aussi les vivants choqués par tant de haine.

La stupeur frappe les Etats-Unis en ce jour. L’homme aujourd’hui décédé était un tel spécialiste de l’offense funéraire qu’on en avait oublié qu’il pouvait mourir. L’opinion américaine est partagée entre une partie qui prévoit déjà de monter des pancartes lui promettant de pourrir en enfer, et une autre partie qui estime que participer à ce genre d’évènements revient à se rabaisser à son niveau. On ne peut qu’espérer que les seconds vont convaincre les premiers, car aussi détestable que ce pasteur ait pu être, ne rien faire à son enterrement du serait la seule manière pour les Hommes tolérants de montrer au monde entier que nous ne sommes pas des âmes offensables.

Bastien