« Vous faîtes de moi une âme offensée : nous sommes le 6 février 2014 »

Le buzz du moment, Farid de la Morlette, cet homme mis en garde à vue pour avoir maltraité un chat en filmant ses exploits afin de les diffuser sur les réseaux sociaux, pourrait paraître très anecdotique, je vous l’accorde. Cela met pourtant en exergue deux points : un inquiétant déferlement de haine de l’autre (qu’il soit homme ou animal) et une incapacité de chacun, de tous donc, à y mettre fin.

Ce qui veut dire que vous, tu, je, nous sommes tous démunis ?

Dès lors que l’on commence à gratter un peu la vase nauséabonde de ces marrés montantes de colère (le nouveau mot passe partout pour « haine »), la grande bulle internet nous permettant de tout savoir et de tout dire, il est effrayant de voir s’afficher sur l’écran d’ordinateur des sites comme : « Pour une France moins israélisée », Oeuvre Français, Jeunesse Nationalistes, Journal Rivarol, Association CLAN. Écoutez….Vous entendez comme les syllabes rappent la gorge, vous sentez ce goût amer dans la bouche…Le tout, en tête du référencement google, preuve de l’efficacité de ces nouveaux groupuscules !

Il suffit d’ouvrir les journaux de ces deux derniers dimanche : peu importe les digressions sur le nombre de ceux qui étaient dans la rue, le malheur c’est leur présence.

Point d’orgue : la désormais tristement fameuse manifestation du « Jour de Colère », ce pêle-mêle allant d’un extrême à l’autre, ce fourre tout de frustrations orchestré par les grandes pontes de la France soit-disant non décadente ! Certains y sont allés franco, en étant capable de crier « On entend plus chanter Clément Meric…», mais d’autres sont bien plus subtils, utilisent un vocabulaire semblable à une véritable rhétorique politique. Et c’est peut-être ces fascistes citoyens qui sont la plus dangereuse menace pour une démocratie en mal de fermeté et de réactivité. En essayant de marcher sur un gouvernement élu par le peuple, cette force de violence organisée et méthodique, pardon de colère (décidément, il ne passe pas ce mot là !), qui – ne soyons pas dupes – a toujours existé sans pour autant rugir de manière aussi décomplexée, comme dirait l’autre vendeur de pains au chocolat, cette force est aujourd’hui en mouvement, elle est en train d’entrer, sous nos yeux impuissants, avec une facilité désarmante, dans tous les moindres pores de notre fade république.

 

 

Au delà des mots de haine qui me retournent chaque jour un peu plus l’estomac, au delà de ma volonté pourtant de ne pas donner davantage de visibilité (et donc d’importance) à ces gens là…Je me sens offensée.

Ils sont des âmes en colère, je suis une âme offensée. VOUS faîtes de moi une âme offensée !

Offensée par la haine de l’autre, par le mensonge proféré contre les fausses théories du genre, par le mépris de la liberté d’expression et de la différence.
Historienne de formation, je suis offensée lorsque je vois des cagoules, des insultes, des bâtons, circuler librement dans les rues de Paris, Marseille ou Lyon.
Offensée, je le suis en tant que femme, en tant que femme ouverte d’esprit, mais aussi en tant que républicaine, si l’on doit sortir la lourde artillerie des grands mots !

La gauche suffoque de voir ce débat symbolique se dérober mais se sent incapable d’organiser une manifestation unitaire contre les manifestations pré-fascisantes et réactionnaires.
Pauvre Robert Badinter. Même lui n’y peut rien.
Alors que faire ? Rire ? Pleurer ? Se taire ? Alerter ? Gratter encore la marre sale au point d’en avoir la nausée pour réagir ?

Même Frigide Barjot était franchement plus drôle, parce que plus stupide peut-être, avec sa Bible en bandoulière. Les nouveaux leaders sont intellectuels, et ça c’est dangereux. C’est un certain Charles Mauras qui fut le penseur de toute une génération de ligues d’extrême droite, qui elle aussi, a marché sur le gouvernement un certain 6 février 1934.
Relents.
Nous sommes le 6 février 2014.

Mélanie MASSON