Croyez-moi ou pas, il y a des âmes offensées qui vivent parmi nous. Aujourd’hui, je vais vous présenter l’une d’entre-elles. Pour se faire, je vous propose de remonter dans le temps, l’an dernier plus précisément le mercredi 13 novembre 2013.

Ce jour-là, un hebdomadaire ouvertement d’extrême droite et que je ne préfère pas citer publie en couverture une photo de l’actuelle Garde des sceaux Christiane Taubira. A ce cliché (photographique celui-ci) s’accompagne la légende suivante : « Maligne comme un singe, Taubira garde la banane ». En moins de temps qu’il n’en faut pour faire clic, l’information est partagée, elle fait le tour des médias. TV, radios, presse et réseaux sociaux tous ou presque s’indignent contre ces paroles dégoutantes, abjectes. Presque tous, pourquoi ? Parce que le journal en question n’est pas à l’origine de ces propos diffamatoires : avant cela dans les cortèges de l’opposition au mariage pour tous, on assistait déjà à un sombre spectacle. Des bonnes familles françaises, des enfants qui, sourire aux lèvres et mains armées de peaux de bananes, hurlaient « Taubira la guenon casse-toi ». Je me demande si ces enfants se rendent compte de la portée de ce geste, de sa violence et de ce qu’il représente.

On entend souvent, « De tous temps l’homme a eu besoin d’un bouc émissaire », ou encore « c’est la faute à la crise ». Mais les crises ont toujours existé et le racisme et l’exclusion eux aussi. Ils existent encore aujourd’hui mais de manière différente, insidieuse.

Depuis quelques années déjà en France et ailleurs on assiste à une libération de certaines paroles, des mots qui sans forcément être racistes ont pu être interprété et amplifié par certaines personnes. Je pense à des chroniqueurs, je pense à certains médias qui s’amusent à avoir un regard toujours ethnique sur la France et ses composantes. En politique aussi, on parle de la dé-diabolisation de certains partis. Résultat, aujourd’hui on ose dire des choses qu’à une époque les gens n’osaient même pas murmurer entre eux.

Et si le lien peut sembler facile, le cas de Christianne Taubira, me ramène 60 ans en arrière à l’époque des black panthers. Rosa Parks, cette femme américaine qui est restée assise pour que tout un peuple puisse se tenir debout. Ces deux personnes ont plus en commun qu’il n’y parait. Les deux sont des femmes noires, engagées politiquement et toutes deux ont été victimes de réprimandes, d’attaques de la part de groupes aux idéologies racistes. L’une demeure à jamais un symbole de lutte, l’autre la représentation d’un déclin.

Que reste-t-il de cette époque ? Une survivance. Mais pas celle que l’on croit. Si les femmes noires, sont aujourd’hui journalistes, entrepreneurs ou responsables politiques, une haine enfouie a été déterrée. Les âmes offensées des siècles derniers se réincarnent et deviennent plus vivantes que jamais. Elle vivent à travers toutes les couches de la société, des banlieues les plus défavorisées aux coquettes résidences pavillonnaires.

S’il fallait retenir un mot aujourd’hui, ce serait « oser ». Osez dénoncer, défendre, éduquer, n’acceptez pas de tomber dans les clichés et les bassesses d’esprit, car c’est peut-être là, le seul moyen d’exorciser ce mal qui ronge nos racines communes.

Par Axel Santoni