Une proposition d’Oscarine Bosquet.
Quelques impressions en retour d’un film vu.
Also Known As Jihadi d’Éric Baudelaire
En 1969, le cinéaste japonais avant-gardiste Masao Adachi signait A.K.A. Serial Killer, portrait de Noro Nagayama, tueur en série de 19 ans, qui avait commis des meurtres à divers endroits du pays. La singularité du film tenait à ce qu’Adachi souhaitait illustrer la « théorie du paysage », qu’il avait contribué à élaborer et qui décrétait que, bien décrit, bien filmé, un paysage pouvait dévoiler les structures d’oppression dont il était le fruit et qu’il continuait de transmettre. Éric Baudelaire a consacré, on le sait, son déjà fameux premier long-métrage à Adachi. Et la question du paysage suspendu entre son statut d’énigme muette et de texte à déchiffrer anime autant ses autres films que ses travaux photographiques. Voilà Baudelaire à nouveau reprendre la méthode « du paysage », en citant explicitement le titre d’Adachi, pour la dédier cette fois à un jeune jihadiste français. Et le film de suivre, documents judiciaires à l’appui, le parcours d’un jeune homme né à Vitry, et la caméra de filmer la clinique, puis le lycée, l’université, son lieu de travail, puis l’envol pour l’Égypte, la Turquie et finalement la route d’Alep, où il a rejoint le Front al Nosra en 2012. Mais la caméra ici ne se contente pas de plans fixes ou de descriptions distantes à coup de panoramiques maîtrisés, au contraire, elle hésite, cherche quelque chose, elle est elle-même animée : inquiète. Inquiète de comprendre. (JPR)