Entretien avec Selma Doborac à propos du film Those Shocking Shaking Days.
Peut-on, par les moyens du cinéma, figurer la guerre ? Cette question en ouvre mille autres, comme la guerre elle-même porte mille masques. La guerre ici, c’est celle des Balkans dans les années 1990 : une guerre Européenne, anachronique, dans laquelle les charniers et les camps de concentration contrastent avec l’arsenal high tech des conflits modernes, et surtout une guerre médiatisée dont les images insoutenables sont devenues banales dès que diffusées sur les écrans de télévision. Analyse rebattue ? Certes non : pour redonner aux images et aux témoignages leur puissance perdue, mais aussi à chacun ses responsabilités dans un monde où le mal n’est pas le seul fait des criminels de guerre, Selma Doborac, dans ce premier long-métrage, entreprend avec rigueur extrême de questionner toutes les manières possibles de faire un film sur la guerre.
Aux images de charnier se substituent celles, moins spectaculaires, filmées en vidéo par les combattants eux-mêmes, ou des plans tournés en 16mm montrant des maisons abandonnées, rendues à la nature, appartenant aussi bien au présent qu’au passé. Décomposant la fabrication de l’image de guerre par une suite de questions qui s’enchâssent sans fin, sous forme de sous-titres envahissants ou d’une voix-off aux faux airs de bulletin d’information, le narrateur démonte du même coup les mécanismes de perception, de compréhension, de mémorialisation, et même tout simplement de communication : remettant en cause jusqu’au langage cinématographique et transformant le film en une expérience unique, à la fois théorique et autobiographique.