Projection de 22 films de Manoel de Oliveira. (1908 – 2015)
Entretien avec Francisco Ferreira, programmateur de la rétrospective dans les Écrans parallèles
Les films évoqué dans cet entretiens.
Douro, faina fluvial, 1931 (premier film)
La chasse, 1963
La visite ou souvenirs et confessions, 1982
Non, ou la vaine gloire de commander, 1990
Acto da primavera, 1963
Le peintre et la Ville, 1956
Lien vers le détail de la programmation des films
« Il n’y a qu’une façon de le faire : tout montrer. Tout ou rien. Suivre ce fleuve d’un bout à l’autre. »
On l’a bien noté au tout début et on allait comprendre encore pourquoi : il n’y a pas de cinéaste plus difficile, ni plus passionnant à programmer, tant chaque film est ouvert au monde et travaillé, ciselé, abouti en lui-même. À mesure que s’élève la hauteur de la barre du saut à la perche (dont Oliveira a été champion), les méthodes d’approche deviennent infinies. Il y a sûrement des films préférés à d’autres, mais aucune oeuvre mineure. Il y a tout simplement des films qu’on n’a pas encore appris à aimer. Et pourtant, le FIDMarseille nous a très poliment rappelé que le festival ne se déroule qu’en six jours. Qu’il fallait cadrer le monument à l’intérieur de ces dates sans perdre de vue les piliers fondateurs de l’édifice. Ces chapitres découpés à l’intérieur de la filmographie de Manoel de Oliveira ont été forgés fi n 2014, au moment où le cinéaste était encore parmi nous. Un cinéaste qui a traversé presque toute l’histoire du cinéma et qui a toujours parlé en son nom. Un cinéaste passionné par la vie et qui vivra toujours à travers ses films : qui d’autre aura frôlé d’aussi près l’éternité ? Fin 2014 ? Non, cela remonte de bien plus loin, Oliveira est venu au FID bien avant. On a même envie de dire qu’il était présent à chaque édition. Aucun festival de cinéma n’a mieux mis en question le mot « documentaire », cette source inépuisable de problèmes, à partit d’où Oliveira a lui aussi lancé sa pratique pour rejoindre le monde. Ce qui fait de cet hommage non pas une cause, mais une conséquence. Remémorons-nous tout qui est possible, alors : une rivière d’enfance, le Douro, et une ville natale, le Porto, tous les deux sont encore à la source d’un dernier cadeau, le posthume Visita ou Memórias e Confissões. Les cours d’histoire à la recherche d’une identité portugaise, si universelle et humaine, bâtis par les présages du destin, par la foi d’un cinéaste qui a dit que tous ces films sont religieux. La puissance de la parole, la fusion du théâtre, le rôle d’une direction d’acteurs si violemment antinaturaliste qu’elle allait devenir célèbre et la réflexion du cinéma sur tout cela et en sur lui-même. Tous ces phares de modernité d’une oeuvre qui n’a fait que bouleverser le temps et qui nous donne encore, hier comme aujourd’hui, l’impression d’être arrivés avant et d’être partis vers ce qu’on ne connait toujours pas. Il y a un film dans ce programme où Paulo Rocha désigne Oliveira architecte. Architecte, il a désiré l’être quand il avait 20 ans. Architecte, il le fut, par ses films. Le cinéma de Manoel de Oliveira, c’est bien ça : cette cathédrale d’où l’on ne peut pas, d’où l’on ne veut plus sortir.
Francisco Ferreira