Film : El Futuro
Espagne, 2013, 67’
Réalisateur : Luis López Carrasco
Première française
Une métaphore ou comment plusieurs générations d’espagnols se sont abandonnés à la fête du capitalisme tardif, sans penser à la gueule de bois du néolibéralisme.

El Futuro, ça commence comme ça, dans le passé !
La célébration de la première victoire socialiste. La prononciation des promesses de l’époque: celles de la modernisation, du progrès et de la solidarité. Un écran noir.
Coupez !
On est en 1982.

Là, tout est réuni…
La nuit est dominée par un esprit d’euphorie. La victoire socialiste toute fraiche.
Un grand appart’ avec plusieurs pièces et différentes ambiances. Y’a du monde, à boire… Des verres qui se remplissent. Indéfiniment… Ca trinque, ça rit, ça s’observe, ça se découvre, ça se drague…
Ca parle de tout : de sexe, de famille, de progrès technologique, de mobilisation politique, d’emploi…
Ca danse.
On passe d’une pièce à l’autre, on a vraiment la sensation de faire partie de cette beuverie géante.
On écoute une musique des années 80, symbole du mouvement culturel créatif qui a touché l’Espagne pendant la période de transition démocratique : « La Movida Madrilena ».

On est en 1982 et on s’éclate.
En plus du son, les scènes sont filmées en 16mm. Esthétique Underground du cinéma espagnol des années 80, costumes rétro, maquillage coloré et déco défraîchie font le lien avec l’époque. Ils créent l’illusion historique.
Les changements de plans, brutaux, permettent de plonger pleinement dans l’ambiance de la fête.
Mais en réalité, on ne s’éclate pas longtemps. Très vite, une sensation pesante.
Des détériorations d’images, des bugs de sons, des flashs blancs semblent montrer les échecs du temps…
Petit à petit, la musique se fait plus lointaine, moins audible, jusqu’à disparaître complètement. On s’ennuie, on se demande combien de temps ça va durer ! On assiste à une sorte de déchéance dont on commence à se sentir exclu.
Des coupes abruptes, des plans de travers, floutés, surexposés, figés renforcent ce sentiment.
Et, alors quand la fête est ENFIN terminée. On est en 2014. Rien n’a changé. On s’est pris 30 ans, comme ça, dans la face, d’un coup.

En Espagne, en 1982, tout semblait possible. Mais « tout » s’est terminé, est arrivé très vite. Tout est comme « tombé » dans un trou noir.
On a la gueule de bois. Oui, on sort de la salle avec un mal de crâne et une certaine fébrilité, un peu perdu dans le passé, le présent, le futur.
30 ans de démocratie, résumés en 1h d’orgie. 30 ans au cours desquels l’Espagne se réveille, s’enivre, ravie de laisser derrière elle 40 ans de dictature et d’isolement.
Puis elle s’endort, embrasse et intègre, les yeux fermés, le discours néolibéral dominant de la scène internationale.

Il y a un proverbe français qui dit : « il n’y a pas de bonne fête, sans lendemain… ».
Dans El Futuro, justement, il n’y a pas de lendemain.
La fête est l’expression d’un sentiment de perte, d’un avenir incertain. Fragile, absent. Cette fête ne fait plus rêver. Et je n’ai pas été la seule à le penser.

Alors pour vous faire votre propre avis, El Futuro ne passe malheureusement plus dans le cadre du FID… Mais vous pouvez toujours rassasier votre curiosité à la vidéothèque du MUCEM.

Une réalisation de Clotilde Penet