Motu Maeva, le film de Maureen Fazeindero commence dans le bruissement de chants d’oiseaux. La caméra glisse sur de l’eau verte, au coeur d’une forêt que l’on devine chaude et humide et qui s’ouvre enfin sur une sorte de lagon, au bout duquel apparait une petite maison, un genre d’abri plutôt, dans lequel s’entasse tout un bric à brac d’objets accumulés au fil du temps.
Motu Maeva, c’est le nom de cette île polynésienne, où l’on fait la douce rencontre de Sonja, cette vieille dame aux cheveux courts, d’un blanc d’ivoire, dont la voix n’a rien perdu de sa fraîcheur et de son léger accent allemand. Sonja, l’air de rien, retrace sa vie au gré de ses souvenirs. Et on voudrait qu’elle ne s’arrête jamais de parler. Car sa vie, c’est un incroyable voyage dans le temps et autour du monde. Et elle le raconte comme ça, l’air de rien.
Mariée en quelques jours à un militaire, Michel, rencontré par hasard dans les rues de Paris, Sonja va passer sa vie à le suivre au fil de ses affectations, de Tahiti, en Indochine, en passant par le Tchad. Et Michel a une passion: filmer, filmer tout ce qui l’entoure, avec une caméra d’époque, en 8mm. Ces images, ils en faisaient même des genre de cartes postales, qu’ils envoyaient à leurs amis. Ces images Maureen Fazeindero les a retrouvée, et les fait défiler au fur et à mesure que se déplie la mémoire de Sonja. Dans sa voix, on sent encore la jouissance d’avoir pu mener une vie pleine d’aventures, avec ce mari, cinéaste, qui lui a laissé l’entière liberté d’aller se baigner dans des fontaines, de jouer au casino, de danser toute la nuit.. de ne pas rentrer peut-être, parfois.
Si ce film respire une joie de vivre subtile et vivace, l’orage n’est jamais loin: il s’abat un moment sur l’image, fracassant. On entend alors Sonja, en 1961, plus seule, loin de ces enfants, exilée dans ce lointain exotique. Au fur et à mesure, la mémoire s’altère, se contredit, et on ne sait plus ce qui est de l’ordre du vrai et du rêve, le souvenir étant par essence malléable, selon nos projections et désirs. Mais la force de Sonja, celle de ses souvenirs, c’est de toujours ressentir la beauté du monde et des gens, de savourer la vie pour s’en nourrir encore, pour ne pas laisser l’aigreur de la vieillesse l’emporter.
C’est un premier film très beau, très frais, que le grain des images rend d’autant plus poétique que Maureen Fazendeiro a tourné, elle aussi, en 8 mm. Au point qu’on ne distingue plus les époques de cette vie pleine d’images, encadrées à l’écran par les perforations de la pellicule et nourries des imperfections du grain.
Diffusé dans le cadre des Premières du FID, vous pouvez, vous devez, le chercher à la cinémathèque.
Carlotta Morteo